lundi 4 septembre 2017

les yeux noyés

Petit tour sur le marché, nuit difficile. Je revêts mon vieux jean qui n’a plus de forme, le T-shirt délavé qui ne ressemble à rien, une pince dans les cheveux non coiffés, mes chaussures de randonnées, un gilet en laine trop lavé, j’ai froid en cet été. Un peu de mascara, rien d’autre, j’évite de croiser mon visage dans le miroir.
J’achète quelques fruits, pas d’appétit. Je trouve la force de sourire à mes commerçants, toujours faire face.

Au moment de vouloir prendre mon café, plus de monnaie. Je passe chez le chiffonnier, je trouve un chemisier : un peu de dentelles, parfait je pourrais le transformer. Je récupère ma monnaie et le vendeur me dit que c’est surement l’heure du café. Je confirme et il me dit qu’il vient de le prendre et ne peut m’accompagner. Pour moi, c’est un langage de vendeur, baratin de certains hommes.
Je bois chaud, fort sans sucre et inhale ma première cigarette … moi qui veux arrêter de fumer. Je regarde les passants et essaie de ne pas penser à cette semaine, à cette brulure dans mon cœur.
Je reprends ma route, le vendeur me demande si le café était bon. Je suis polie c’est plus fort que moi. Je dis que j’aime bien ce petit troquet et faire travailler les commerçants de mon quartier.  Il me sourit et me dit qu’il me reverra alors puisque je suis d’ici. Sans doute. Je pars et il me dit qu’il se souviendra de moi, « ces yeux sont inoubliables ». Je souris et continue mon chemin. Je rentre et me plante devant mon miroir. Mes yeux sont très clairs aujourd’hui, bleu-gris, délavés par la machine à broyer le cœur de cette nuit. Mes yeux sont épuisés, mon cœur dévasté.
Trouver une occupation à mon esprit. Mes yeux, regard, vue… aveugle bien sûr !
Si c’était ça l’homme qui me fera revenir à moi, un aveugle qui ne regardera ni mes yeux ni mes seins mais mon être.
Mettre les autres sens en éveil.
Il entendra ma respiration parfois saccadée, mes soupirs, mon attente de savoir si la caresse ou la cravache va arriver.
Il sentira cette limite où la souffrance et le plaisir se retrouvent et s’entremêlent
Il goutera mon corps, ma sueur, ma salive, il appréciera les saveurs de mon parfum intérieur
Il touchera ma peau, griffera, laissera ses empreintes et ses marques en braille, en relief
Il frôlera mes fesses rougies, brulantes.

Il m’emmènera dans son mode sans couleur où les silences sont d’impatience et de désir, où le temps et l’espace n’ont plus de prise. Juste sa voix pour me guider, me laisser être l’autre moi.
image libre internet

1 commentaire:

  1. Ne rien attendre de l'autre, ni de soi-même.
    Juste vivre, le temps se chargera du reste.

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