jeudi 30 novembre 2023

dimanche 5 novembre 2023

A mes amis poètes

 

Dès l’aube je suis partie, gravissant le petit chemin forestier, souriant au vent léger qui m’emporte. Le clair de lune jouait encore à la lueur des étoiles. Le soleil étirait mollement de timides rayons aurifères.

Tu marchais à mes côtés, nos pas écorchés de ce que nous sommes laissant des empreintes légères sur la terre poudrée. La brume se dissipait, caressant le lac et posant sur nos visages des gouttes glissantes, en cadences venant de l’univers. Chaque jour apportant sa perle de rosée

Dans le ciel bleu pale, un albatros déploie ses ailes gracieuses, et son ombre dessine un duvet au dormeur ensommeillé dans l’herbe sauvage. Je te montre du doigt le champ jaune de tournesols souriants, un muret plein de fentes d’où poussent les liserons.

Tel un bateau ivre, nous tanguons sur un pont admirant l’onde lasse du temps volage, émerveillés des clapotis créant des cercles gazouilleurs.

Nous arrivons devant la grange, la porte s’ouvre et nous sommes aspirer par la chaleur ambiante. Une odeur de feu de cheminée, de pommes de pain nous embaument. La pièce est chargée d’étagères croulant de vaisselle ébréchée, de brocs et marmites émaillées. Au coin un chat séraphique dans un panier en osier tressé.

Ils sont là, demeurant dans la beauté des choses, autour d’une vieille table en bois parfois cajolée, souvent lessivée par des mains usées. Une cafetière fume, quelques verres d’absinthe, un pot de lait et du miel. Dans des tasses à thé en porcelaine se reposent des cuillères.

Dans l’atmosphère volent des textes à poser, des mots à inventer, des partages à venir, des pleurs-joies dans nos cœurs, le parfum du langage des vers.

Je m’installe au pupitre, fébrile et tremblante. Je prends la plume, a trempe dans l’encrier. Tendue devant la page beige, j’hésite, mes doigts tressaillent sur la feuille.

« Et si ». Tout le beau monde lève la tête attendant la suite. Alors je leur dis « et si la poésie pouvait nous sauver». Les sourires se forment, des sourires moqueurs et amicaux, chaleureux , des sourires qui comprennent et pardonner ma folle naïveté, ma douce espérance.

Tu viens vers moi et me fais me lever. Main dans la main, tachées d’encre, la plume blanche au creux de nos paumes, tu m’amènes sur le palier, ils nous suivent silencieux pour regarder

Regarder ce décor, cette réalité aliénée et égarée à nos pieds

Un tableau d’une beauté presque insoutenable, d’une perfection indescriptible :

La douceur de l’instant

La fragilité du vivant

Dans le cœur de l’humanité

 


D’après une photo de Mailis, texte de Gitane, Invités : Baudelaire, Hugo, Verlaine, Apollinaire, Rimbaud, Aragon, Prévert, Chedid, Kaur