Dès l’aube je suis partie, gravissant le petit chemin
forestier, souriant au vent léger qui m’emporte. Le clair de lune jouait encore
à la lueur des étoiles. Le soleil étirait mollement de timides rayons
aurifères.
Tu marchais à mes côtés, nos pas écorchés de ce que nous
sommes laissant des empreintes légères sur la terre poudrée. La brume se
dissipait, caressant le lac et posant sur nos visages des gouttes glissantes,
en cadences venant de l’univers. Chaque jour apportant sa perle de rosée
Dans le ciel bleu pale, un albatros déploie ses ailes
gracieuses, et son ombre dessine un duvet au dormeur ensommeillé dans l’herbe
sauvage. Je te montre du doigt le champ jaune de tournesols souriants, un muret
plein de fentes d’où poussent les liserons.
Tel un bateau ivre, nous tanguons sur un pont admirant l’onde
lasse du temps volage, émerveillés des clapotis créant des cercles gazouilleurs.
Nous arrivons devant la grange, la porte s’ouvre et nous
sommes aspirer par la chaleur ambiante. Une odeur de feu de cheminée, de pommes
de pain nous embaument. La pièce est chargée d’étagères croulant de vaisselle ébréchée,
de brocs et marmites émaillées. Au coin un chat séraphique dans un panier en
osier tressé.
Ils sont là, demeurant dans la beauté des choses, autour d’une
vieille table en bois parfois cajolée, souvent lessivée par des mains usées.
Une cafetière fume, quelques verres d’absinthe, un pot de lait et du miel. Dans
des tasses à thé en porcelaine se reposent des cuillères.
Dans l’atmosphère volent des textes à poser, des mots à
inventer, des partages à venir, des pleurs-joies dans nos cœurs, le parfum du
langage des vers.
Je m’installe au pupitre, fébrile et tremblante. Je prends
la plume, a trempe dans l’encrier. Tendue devant la page beige, j’hésite, mes
doigts tressaillent sur la feuille.
« Et si ». Tout le beau monde lève la tête attendant
la suite. Alors je leur dis « et si la poésie pouvait nous sauver». Les
sourires se forment, des sourires moqueurs et amicaux, chaleureux , des
sourires qui comprennent et pardonner ma folle naïveté, ma douce espérance.
Tu viens vers moi et me fais me lever. Main dans la main, tachées
d’encre, la plume blanche au creux de nos paumes, tu m’amènes sur le palier, ils
nous suivent silencieux pour regarder
Regarder ce décor, cette réalité aliénée et égarée à nos
pieds
Un tableau d’une beauté presque insoutenable, d’une
perfection indescriptible :
La douceur
de l’instant
La fragilité
du vivant
Dans le cœur
de l’humanité
D’après une photo de Mailis, texte de Gitane, Invités :
Baudelaire, Hugo, Verlaine, Apollinaire, Rimbaud, Aragon, Prévert, Chedid, Kaur
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