Ça a toujours été inné chez lui, cet instinct avec les
animaux. Plus tard, il découvrit que c’était envers les chevaux qu’il se
sentait le plus proche. Il fut très vite surnommé « le
chuchoteur ». Un chuchoteur, ce
n’est pas Robert Redford qui murmure à l’oreille des chevaux, c’est un homme
qui pense cheval, l’étudie pour mieux communiquer avec lui, en confiance et
respect mutuel.
Il avait voulu en faire sa profession mais avait vite
arrêté : il se retrouvait avec d’autres qui asservissaient les chevaux par
la peur ou la violence ; et puis il était fatigué d’éduquer les bêtes
avant qu’elles ne repartent pour d’autres propriétaires. Alors il avait pris un travail plus routinier
mais qui le faisait vivre. Pourtant il avait besoin de temps en temps de
débourrer une jument, d’en faire un partenaire exceptionnel. C’était le seul
moyen qu’il avait pour supporter le quotidien de sa vie. Il rêvait de trouver
celle (oui il préférait les femelles) dont il serait le maître.
C’était une jument qui avait déjà donné naissance à des
poulains, elle était passé entre plusieurs propriétaires plus ou moins
longtemps. Certains la trouvaient trop farouche, d’autres disaient qu’elle
s’emballait. Un jour un cavalier, plus attentif, prit le temps de l’approcher
et la monter, ce fut une période féerique pour eux deux. Malheureusement un
accident arrivé, le propriétaire mourut et la jument se remettait difficilement
de ses blessures : elle ruait, regimbait, soufflait de ses nasaux ou
mordait, partait seule au galop. L’écurie où elle se trouvait ne pouvait plus
la garder, elle ne se laissait même pas monter !
L’homme en entendit parler un soir à une réunion de
cavaliers et il voulut en savoir plus. Il alla la voir. Un peu déçu, ce n’était
pas un alezan, juste une jument avec des cicatrices, un peu plus lourde que
nécessaire, une crinière qui selon les reflets du soleil paraissait
blonde/blanche ou châtain. Il voulut s’approcher, il vit la peur dans les yeux
de cette pouliche et finalement il trouva ça intéressant. Il accepta de devenir
le chuchoteur.
Il avait de la patience et aimait prendre son temps :
toute cette phase de découverte et d’observation mutuelle. Il commença par
venir souvent parfois pour juste la regarder parfois il l’ignorait (la vue). Il
mit un babyphone dans le box et tous les matins au réveil lui envoyait un
message (faire travailler l’ouïe un autre des sens). La jument commença à
s’habituer, certains lads disaient même que le matin, elle se penchait vers le
haut-parleur pour entendre la voix de l’homme. Le chuchoteur savait qu’il
fallait mettre en place des méthodes douces, ne pas braquer l’animal. Il se mit
à marcher dans les plaines la laissant aller et venir à ses côtés elle restait
toujours à quelques mètres.
Au bout de quelques semaines, ce fut la jument qui un jour
de ballade vint frotter son encolure contre l’épaule de l’homme. Il ne fit
aucun geste. Et lors de leur rencontre, l’animal venait toujours plus à la
rencontre de son corps jusqu’au jour où il pensa qu’elle était prête, et lui accord
les caresses (le toucher). Il y eu parfois des avancées et d’autres fois des
renfoncements, la femelle restait craintive, farouche, sauvage. Comme il
s’attachait à elle, il chercha à comprendre son comportement et devant la peur
de l’animal à l’abandon : peur de s’abandonner à l’autre sans savoir
jusqu’où et ce qu’elle en tirerait de bon ou mauvais, peur d’être encore
abandonner. Il sut qu’il fallait lui donner ce toute confiance, cet amour, lui
rendre la joie de vivre. Il travailla encore plus avec elle.
Pour pouvoir la monter, il fallait d’abord qu’il réussisse à
la seller. Il commença par régulièrement se promener avec un harnais, il lui
laissa le toucher, le sentir. Grâce à sa patience, il put un jour en douceur et
avec beaucoup de délicatesse, passer le harnais à l’animal jusqu’à ‘encolure.
Au bout de quelques jours, il put mettre la selle, passer la ceinture de cuir
et bien serré la sangle sans qu’elle ne bouge. La jument restait attentive à
tous ses gestes, docile sous ses mains. Lui prenait soin d’elle et réaliser les
pansages, la nettoyer de la crinière jusqu’à la croupe.
Finalement ce fit 4 mois après leur premier contact qu’enfin
il la monta. Il alterna le pas et le trop, respecta le tempo. 4 semaines plus
tard, ils partaient tous deux sur les chemins au galop et revenaient épuisés.
Lui ayant trempé sa chemise, la pouliche dont la robe luisait de sueur. Il lui apprit à se laisser guider. Parfois il
utilisait la cravache pour la remettre sur la bonne route ou au contraire
l’éveiller dans les chemins de traverse. Il suffisait au chuchoteur de passer
une main sur le l’encolure, mettre une pression de ses cuisses sur ses flans, resserrer
ou relâcher le garrot et la jument cédait au ordres ou envies de son
cavalier.
Il aurait pu la vendre ou la donner. Mais autant l‘animal
s’était attaché à lui autant lui avait aussi compris tout ce qu’elle lui
apportait en terme de liberté, joie, plaisir, … il y avait une telle osmose
entre eux qu’il n’imaginait personne d’autre la monter.
Juste une histoire me direz-vous ? pourtant ce soir en
marchant dans les plaines, je les ai encore vus : au coucher du soleil, le
cavalier et la jument au galop, il se dégage d’eux une synergie que je n’ai
jamais rencontrer entre un maître et son animal. Est- ce la pénombre qui trouble
ma vue ? Quand ils sont passés à
côté de moi, je n’ai su qui était qui, comme si le corps de l’un fondait dans
celui de l’autre pour ne faire qu’un.
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